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Article: Pol Taburet: The Hat And The Hunt

Pol Taburet: The Hat And The Hunt

Pol Taburet: The Hat And The Hunt

Cahiers d'Art a le plaisir de présenter une exposition de Pol Taburet du 18 octobre au 20 novembre 2025 , dans nos deux galeries du 14 et 15 rue du Dragon, Paris.

Les figures écorchées du Greco, les moines de Zurbarán qui « glissent en silence sur les dalles des morts », les cauchemars de Goya – ils se succèdent dans les couloirs du Prado. Goya, surtout le plus âgé, à l'œil éternellement terrifié par les horreurs qu'il a vues ; Goya, « maître dans l'art des gris, des argents et des roses de la plus belle peinture anglaise, [entraîné] à peindre avec ses genoux et ses poings dans les noirs de goudron effroyables ». On l'a placé tout au fond du musée, dans une salle où les pinturas negras font taire toute fierté et nous rappellent combien une certaine Espagne pense et vit en noir. À quelques rues de là, on se salue et on boit jusqu'au bout de la nuit dans un bar appelé Dolores – « la tristesse » – et plus loin encore, d'une autre salle aux rideaux tirés et à la porte entrouverte, s'échappe le cri flamenco d'un cantaor qui rompt le silence qui lui était destiné.

C'est dans cette Espagne, « pays ouvert à la mort », où l'on acclame le Faucheur penché à la fenêtre et où l'on le porte sur le dos quand il se fatigue, que Pol Taburet s'est essayé à la lithographie. Il l'a fait dans l'atmosphère chargée de légendes et de fantômes madrilènes, sous le regard du maître-esprit Goya (car c'est ainsi qu'il faut l'appeler) et avec des intentions qui lui rendent hommage : d'abord et avant tout, la chasse à l'homme – rien de moins qu'une « tradition biblique » et l'une des façons d'administrer le monde, surtout lorsqu'il faut le contenir.

Une telle réalité n'a pu échapper à Elias Canetti, qui a osé demander : « Qui assassinerait qui, si cela pouvait rester absolument et éternellement secret ? » Telle est toute la question, et elle méritait d'être posée à travers quelques pierres – celles-là mêmes qui donnent forme aux Contes du Papa Tonnerre de Pol Taburet. Ces gravures portent le nom d'un personnage qui, après avoir recueilli en silence les confessions les plus terribles de ses confidents et les avoir révélées, se retrouve condamné à l'exil et à errer sans fin dans le vide. Et une fois libéré tout ce qui aurait dû rester scellé dans le silence d'une promesse, une danse d'ombres s'engage, donnant libre cours à tous les vices et à la possibilité de tuer ou de mourir sans arrière-pensée.

Dans une atmosphère incertaine, purgatoire, de conspiration peut-être – de méfiance, en tout cas –, ces douze gravures représentent douze scènes qui parlent de la guerre de tous contre tous. Elles racontent une chasse où chacun est la proie de l’autre, sous le regard impuissant et désœuvré d’un Dieu qui regarde ses enfants s’entre-déchirer. Finalement, peu importe qu’un soleil continue de briller, qu’un horizon s’obstine encore à se lever pour réclamer sa lumière, car l’au-delà semble avoir perdu contact avec l’ici-bas. Loin de vouloir effleurer naïvement la grâce, ces gravures surgissent des rues et des ruelles où se faufilent des ombres belliqueuses, se souciant peu de savoir s’il faut s’engager dans l’armée ou la milice, car après tout, chacun est un traître potentiel. Elles se dirigent vers l’abîme, elles creusent, elles creusent. Elles font sens parce qu’un continuum s’impose enfin entre le geste et la pensée, entre la technique et le contenu, et parce que la gravure a ses raisons que le coup de pinceau ignore.

La lithographie évoque le vide et l'accident ; elle ne consent à l'abandon qu'accompagné de caprices dont elle n'avait prévenu personne. Elle exige le deuil de toute intention manifeste, car à vouloir montrer on cache, et à vouloir cacher on expose : c'est là qu'apparaît la « radiographie » du dessin, comme le dit Pol – son squelette. Le trait saigne, les taches émergent, et toute l'obscurité de « l'Espagne douloureuse » semble obstinément surgir de dessous.

Il est vrai qu'ici, le sordide ne se cache pas. Au temps de l'Inquisition, la maison du bourreau était peinte en rouge, « car il devait marquer son antre et sa personne de l'horreur de ses semblables », et ainsi l'horreur pouvait défiler fièrement sous la forme des têtes noires et cornues des inquisiteurs.

Et pourtant, quelle erreur de ne voir dans ces gravures, ces peintures, ces dessins qu'un pessimisme vaincu. Chanter la mort, danser avec elle  – en faire aussi des images, l’accueillir et lui donner une grande claque dans le dos comme le fait la tradition espagnole – est, après tout, une autre façon d’affirmer ce que Canetti a proposé en réponse à sa question homicide : « Il vaut mieux vivre si intensément que personne ne puisse mourir. » Il s’agit bien de fantômes qui ne meurent jamais vraiment ; il s’agit d’esprits, de survivants.

Crédit photo : Mendes Wood DM, São Paulo, Bruxelles, Paris, New York

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